Et si on oubliait la performance à tout prix ?
Quand le plaisir guide le mouvement, la performance devient naturelle.
Dans le sport comme dans la vie professionnelle, la scène se répète souvent : on démarre motivé, concentré, prêt à se dépasser…
Puis, petit à petit, la fatigue, la routine ou la pression du résultat viennent grignoter l’envie. Le corps se crispe, le mental se tend, et le plaisir du départ s’efface derrière l’obligation de “faire mieux”. Oublions un instant la performance à tout prix.
Regardons ce qui, dans l’expérience du mouvement, (re)donne envie, énergie et constance
Quand la recherche de performance fait perdre le sens
Le sport est souvent abordé comme un moyen d’atteindre quelque chose : une silhouette, un chrono, un chiffre. Mais cette vision utilitaire, très ancrée dans nos sociétés, finit par éloigner du ressenti. On s’entraîne avec la tête, on surveille les données, on se compare.
Peu à peu, le corps devient un outil de rendement plutôt qu’un partenaire d’expérience.
Le mental, lui, s’emballe : “il faut que je progresse”, “je dois m’y remettre”, “je n’en fais jamais assez”. La spirale du “y’a qu’à” et du “faut qu’on” s’installe , celle de la contrainte et de la culpabilité, où l’exigence remplace le plaisir et où chaque séance devient une obligation.
Cette dérive ne concerne pas que le sport. Dans le monde du travail aussi, la culture du résultat et de l’immédiat pousse à l’hypercontrôle. Et quand le contrôle prend le pas sur le ressenti, la tension s’installe, la fatigue s’accumule, le plaisir disparaît…
jusqu’à altérer la qualité des relations et l’efficacité collective.
Des études menées à l’Université de Stanford et à l’INSEP le confirment : la motivation sous contrainte, dictée par la pression du résultat, la comparaison ou la récompense, est énergivore et peu durable.
À l’inverse, la motivation intrinsèque, nourrie par le plaisir, la curiosité et le sentiment de compétence, renforce la persévérance et réduit le stress.
Chercher la performance sans y trouver de plaisir, c’est comme courir sans oxygène : ça ne dure pas longtemps!
Le plaisir, moteur biologique de la motivation
Le plaisir n’est pas une idée vague : c’est une réponse biologique mesurable. Lorsqu’une activité génère une sensation agréable (un mouvement fluide, une respiration ample, la satisfaction d’un effort juste) le cerveau libère de la dopamine, ce neurotransmetteur qui stimule à la fois le désir et la récompense.
Cette sécrétion n’apparaît pas uniquement après l’effort, mais aussi avant, dès que le cerveau anticipe une expérience plaisante. C’est ce mécanisme qui nourrit la régularité : le corps garde en mémoire ce bien-être, et l’esprit a naturellement envie d’y revenir.
À l’inverse, lorsque chaque séance est vécue dans la tension ou la contrainte, le système de récompense se dérègle. Le corps associe alors l’activité à une source de stress, la motivation s’érode et le plaisir disparaît. Et quand on persiste à s’entraîner dans cet état — par excès de volonté ou par manque d’écoute de soi, la crispation s’installe, souvent visible jusque dans la posture, le ton ou la façon d’être avec les autres. La tension gagne le mental et finit par se refléter dans nos relations.
Le plaisir n’est donc pas un simple sentiment : c’est un régulateur biologique de la motivation et un signe d’équilibre intérieur.
Quand l’effort devient source de plaisir
Contrairement à une idée reçue, le plaisir n’est pas synonyme de facilité. Il naît souvent au cœur de l’effort, quand le corps et le mental se mettent au même rythme.
C’est le plaisir de la maîtrise : celui du geste juste, du souffle retrouvé, du mouvement qui répond enfin à l’intention. Un plaisir profond, particulièrement satisfaisant : celui du progrès ressenti, non mesuré.
Les entraîneurs de haut niveau le savent bien : un sportif qui prend plaisir à s’entraîner apprend plus vite, récupère mieux et résiste mieux à la pression.
Car le plaisir n’est pas seulement émotionnel, il est neurophysiologique : il synchronise attention, motivation et coordination.
Les travaux du CNRS et du psychologue Mihaly Csíkszentmihályi sur les états de flow , ces moments de concentration intense où tout semble fluide et naturel, montrent que le plaisir est au cœur de la performance optimale.
Dans cet état, le temps s’efface, les gestes s’enchaînent sans effort apparent, la pensée s’accorde au mouvement.
Le cerveau libère alors un cocktail d’hormones (dopamine, endorphines, sérotonine) qui favorisent la confiance, la créativité et la résistance à la douleur.
Autrement dit, le plaisir ressenti dans l’action n’est pas une distraction, mais un signe d’alignement : le corps, le mental et l’attention travaillent ensemble dans la même direction. C’est cet état que tout sportif (ou tout professionnel impliqué) cherche à retrouver, souvent sans le nommer.
Le plaisir n’est pas un luxe : c’est un indicateur d’équilibre entre le corps et le mental. Quand il disparaît, c’est souvent que la charge est trop lourde, ou que la tension a pris le dessus sur la fluidité.
Retrouver le plaisir, c’est retrouver la présence
Retrouver du plaisir passe d’abord par un changement de regard : non plus chercher à “réussir” sa séance avec effort, mais à la vivre pleinement. C’est être à l’écoute de la qualité du geste, du souffle et des sensations. C’est un déplacement subtil de l’attention : de la performance vers la présence.
Le corps devient alors un repère vivant, une véritable boussole intérieure. Les sensations (respiration, rythme, appuis, relâchement) fournissent des informations précieuses pour ajuster l’effort, trouver le bon tempo, respecter ses limites.
Elles ramènent à cette conscience du corps en action, là où se tissent la fluidité et le plaisir.
Les psychologues parlent ici de pleine conscience de l’action : un état où l’attention est totalement engagée dans ce que l’on fait, sans jugement ni dispersion. C’est une forme de flow tranquille, accessible à chacun, où l’on cesse de se battre contre soi pour simplement collaborer avec son corps. Et cette qualité de présence nourrit directement le plaisir : le geste devient plus fluide, la respiration plus libre, le mental plus clair.
Un petit rituel utile : À la fin d’une séance, prenez 30 secondes pour identifier une sensation agréable. Qu’est-ce qui vous a fait du bien aujourd’hui ? Le geste ? Le souffle ? L’énergie ? La satisfaction d’avoir pris du temps pour vous ? Cet ancrage positif crée une trace durable dans le cerveau.
Et c’est cette mémoire du plaisir, plus que la volonté,qui, la prochaine fois, vous donnera naturellement envie de recommencer.
Plaisir et performance : le duo gagnant
Le plaisir n’est pas un simple bonus, c’est le moteur de toute performance durable.
C’est performer avec soi, pas seulement contre ses concurrents.
Le plaisir n’est pas l’ennemi de la performance, il en est le fondement durable. Un corps détendu, un mental apaisé et motivé produisent des résultats plus constants et plus cohérents. Les athlètes qui durent ne sont pas toujours les plus “forts”, mais ceux qui aiment s’entraîner.Ce plaisir d’agir maintient la régularité, renforce la confiance et favorise une récupération naturelle.
Plusieurs recherches françaises l’ont confirmé : les sportifs motivés par le plaisir et l’intérêt personnel, plutôt que par la contrainte ou la récompense, s’engagent plus longtemps et progressent de manière plus stable.
Le triple champion olympique Martin Fourcade résumait cela avec justesse : “C’est le plaisir qui me pousse à continuer. Sans lui, la performance ne serait qu’un chiffre, pas une émotion.”
Et ce principe vaut bien au-delà du sport. Dans la vie professionnelle aussi, la passion, la curiosité et le sens que l’on met dans ce que l’on fait entretiennent une énergie plus stable, plus confiante et plus calme
Chercher la performance sans plaisir, c’est comme courir sans souffle!
Le plaisir est donc bien plus qu’une récompense : c’est une boussole intérieure. Il révèle l’alignement entre le corps, le mental et les émotions. Lorsqu’il est présent, il nourrit la motivation et rend l’effort fluide. Lorsqu’il disparaît, il signale un déséquilibre, un rappel à s’écouter, à ajuster, à retrouver le juste rythme.
Le sport, dans cette perspective, n’est plus seulement un espace d’effort : c’est un terrain d’équilibre et de connaissance de soi.
En bougeant avec plaisir, on apprend à se respecter, à se recentrer, à performer sans se perdre. Et ces compétences, une fois intégrées consciemment, se transfèrent naturellement dans la vie professionnelle comme dans la vie personnelle.
Juliane Leclair
👉 Cet article vous a intéressé.e ? Partagez-le avec vos proches … N’hésitez pas à me faire part en commentaires de vos expériences et réflexions. Parce que c'est de la diversité des expériences que naissent les meilleures pratiques !